Les espèces exotiques envahissantes, d’imposants étrangers

3/1/2024
Choix du naturaliste

Tortue à oreilles rouges, agrile du frêne, moule zébrée, berce du Caucase, nerprun… À priori, il ne semble pas y avoir de liens entre ces végétaux et animaux divers. Pourtant, ils ont bien un dénominateur commun, mais lequel? On te donne quelques indices : lors de tes vacances au chalet, tu as peut-être vu un de ces noms sur un panneau installé à l’entrée d’un lac. Ou encore sur un autre panneau expliquant la nécessité de travaux dans un parc-nature de l’île de Montréal. Non? Tu ne l’as toujours pas? Allez, comme on est sympas, on te donne la réponse : toutes ces espèces sont des espèces exotiques envahissantes (de leur petit nom EEE)! Un bien grand terme, que l’on voit de plus en plus apparaître un peu partout ces dernières années, à cause des actions incessantes de lutte contre ces envahisseurs.  

Une petite moule à rayures dans un lac du Québec, ça n’a pas l’air bien méchant, tu me diras. Pourtant, ça peut causer de très gros problèmes d’équilibre dans le lac et tuer plusieurs autres espèces qui y vivent. Et les actions de lutte sont très couteuses et complexes. Selon l’état de l’invasion, dans certains cas, on peut presque dire bye-bye à notre beau lac et sa biodiversité florissante.

 

Une espèce exotique, qu’est-ce que c’est?

Quand une espèce évolue dans le milieu dont elle est originaire — par exemple, un caribou dans le nord du Québec —, on dit que cette espèce est indigène. Elle vient de cet habitat, y évolue depuis longtemps et est en équilibre dans l’écosystème. Autrement dit, on y trouve toutes les ressources et les espèces qu’elle a l’habitude de côtoyer (et qui ont évolué avec elle), dont ses prédateurs, ses compétiteurs et ses proies.

Lorsqu’une espèce est déplacée dans un habitat dont elle n’est pas originaire, on qualifie alors cette espèce d’exotique. En général, le déplacement est causé par un vecteur d’introduction. Il en existe plusieurs! Ce peut être, par exemple, le transport de marchandises, la pêche ou encore l’aquariophilie.  

Imaginons que tu as dans ta cour un bel étang dans lequel il y a des carpes koïs. Pendant un temps, tu adores les regarder nager à leur guise (ça te donne l’impression de voyager au Japon* dès que tu es dans ta cour), puis après un moment tu remarques qu’elles sont trop grosses pour ton petit étang. Tu te dis alors qu’il est temps de leur trouver un habitat adapté à leur taille, et justement il y a une belle rivière dans le parc à côté de chez toi. Quoi de mieux pour tes belles carpes, hein? Tu les relâches donc dans la rivière, apaisé.e par la pensée que tu leur as offert un avenir meilleur. Eh bien, ces chères carpes ne sont plus dans leur habitat naturel. Elles sont maintenant des espèces exotiques, qui vont évoluer dans un milieu pour lequel elles ne sont peut-être pas adaptées. Ici, le vecteur d’introduction, c’est donc l’animalerie dans laquelle tu as acheté tes carpes, puis toi quand tu les as mises dans la rivière. S’en vient la grosse question : est-ce qu’elles vont devenir envahissantes?

Exotique et envahissant

Une espèce exotique n’est pas forcément envahissante dans son milieu. Par exemple, la plupart des plantes que tu mets sur ton balcon l’été pour le rendre plus beau ne sont pas indigènes du Québec. Cependant, comme elles ne sont pas résistantes au gel, qu’elles ne se dispersent pas beaucoup, ou tout simplement parce qu’elles sont limitées à l’espace de ton balcon, elles ne coloniseront pas la ruelle derrière chez toi, et ne deviendront donc pas envahissantes.

On qualifie une espèce d’envahissante quand elle évolue et se multiplie très vite dans un milieu (par exemple parce qu’elle n’y a pas de prédateurs), au détriment des autres espèces présentes, et qu’elle cause des problématiques environnementales. Une espèce envahissante n’est pas obligatoirement exotique, mais elle l’est souvent. Ainsi, de nombreuses espèces végétales exotiques, qui ont été placées dans nos jardins parce qu’elles sont jolies, sont devenues envahissantes et causent des problèmes dans les milieux où on les trouve. C’est le cas de la renouée du Japon ou de encore de la bardane (tu sais, les graines accrochées à tes vêtements dont tu n’arrives pas à te débarrasser à l’automne!).

Si on reprend l’exemple précédent, tes belles carpes koïs, si elles survivent à l’hiver, ont un gros potentiel de devenir envahissantes. Elles grossiront rapidement, mangeront les ressources d’autres espèces (sans parler des espèces qu’elles prédateront) et leurs excréments pourraient déséquilibrer la qualité de l’eau de la rivière. Cet exemple reflète malheureusement la réalité, car plusieurs carpes exotiques échappées de réservoirs de pêche ou d’aquaculture sont devenues envahissantes dans le sud du Québec, comme la carpe commune.

Tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais tu croises des espèces exotiques envahissantes tous les jours, surtout en été! Tortues à oreilles rouges dans les cours d’eau, phragmites le long des routes, vers de terre** dans le sol... La liste est longue! En ville, on peut trouver plusieurs EEE dans les carrés d’arbres, les jardins, les parcs ou même les craques de trottoir, mais aussi en l’air. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les étourneaux sont bel et bien une espèce envahissante! Cet oiseau indigène de l’Europe a été introduit dans Central Park par un New-Yorkais passionné de Shakespeare (qui a mentionné cette espèce d’oiseau dans une œuvre). Bien qu’il nous paraisse naturel d’en voir partout aujourd’hui, depuis son arrivée dans les années 1890, il cause des dégâts dans l’environnement en compétitionnant avec d’autres espèces aviaires, qui sont désormais moins présentes (comme le merle bleu, l’hirondelle noire ou encore certains pics).

 

Une lutte sans merci  

L’étourneau sansonnet, malgré son impact sur d’autres espèces d’oiseaux, est loin de gagner la palme de l’EEE ayant le plus d’incidence sur le milieu. D’autres espèces exotiques envahissantes sont beaucoup plus problématiques et il est alors complexe de les éliminer. Le myriophylle à épis, une plante aquatique qu’on voit très souvent dans les lacs et rivières du Québec, est une des bêtes noires de la lutte contre les EEE par les organismes environnementaux. Très dure à arracher, cette plante aquatique se développe très rapidement et obstrue en quelques années les cours d’eau qu’elle envahit. Dans chaque milieu, grand ou petit, il faut alors dépenser des sommes importantes d’argent pour l’arracher, poser des bâches sur les racines pour l’étouffer, et sensibiliser les plaisanciers et les plaisancières à nettoyer leurs embarcations. Pour compliquer le tout, on peut la confondre avec d’autres espèces de myriophylles, dont six sont indigènes!

Aujourd’hui, la lutte contre les EEE prend une place importante dans les luttes environnementales, entre autres parce qu’elle est liée aux changements climatiques. Bien que l'espèce humaine soit un vecteur important des EEE actuelles, le réchauffement des températures entraîne (ou entraînera) des migrations d’espèces dans de nouveaux milieux plus favorables. Les scientifiques prévoient donc que les espèces exotiques envahissantes soient beaucoup plus nombreuses à l’avenir. Leur lutte ne risque donc pas de s’arrêter dans un futur proche.

Tout n’est cependant pas perdu! En plus des actions de lutte présentes un peu partout au Québec, les outils de sensibilisation de la population se sont multipliés, et la science participative permet aujourd’hui à n’importe qui d’aider à la cause. Il est ainsi possible de signaler la présence d’une espèce exotique envahissante, que ce soit autour de chez nous ou en balade, notamment grâce à l’outil Sentinelle développé par le gouvernement du Québec. Un geste de plus pour s’occuper de notre environnement!

 

NOTES

* Fun fact : la carpe koï n’est pas originaire du Japon! Elle y a été introduite lors d’invasions chinoises. On peut donc dire que c’est une espèce exotique au Japon. Elle est également sur la liste des EEE présentes au Québec, avec deux autres espèces de carpes.

** Les vers de terre ne sont pas indigènes en Amérique du Nord... Ils sont arrivés avec les colons européens, dans leurs semences et leurs pots!

Par Julie, chargée de projet

Sources images : Andres Musta, Quang Nguyen Vinh, André Chivinski, Bas Kers (NL),

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