Le Mont d’Iberville, le toit du Québec

10/12/2020
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En cette journée internationale de la montagne, on te présente le plus haut sommet du Québec : le Mont d’Iberville. Cette montagne n’est pas seulement le toit de notre province, c’est aussi une histoire de controverse, d’aventure et un exemple parfait de la diversité de notre paysage.  

Alors, le Mont d’Iberville. Il se situe dans la chaîne des Monts Torngat, qui chevauche le Nord du Québec et la péninsule du Labrador. Cette fameuse montagne, qui est l’un des sommets les plus hauts du pays à l’Est des Rocheuses, fait un humble 1652 m de haut. (Le Mont Everest, le plus haut sommet du monde en fait 8848 et le Mont Logan, le plus haut du Canada, fait 5959 m. Et comme comparatif, le Mont Mégantic, une des Montérégiennes, fait un très honorable 1105 m.) Malgré son élévation relativement basse, on dit du Mont d’Iberville que c’est une montagne spectaculaire avec des arêtes escarpées, des aiguilles glacières (sommet très pointu), le tout entouré de vallées semi-circulaires creusées par les glaciers. Du grand art, quoi.  

Du côté de Terre-Neuve et Labrador, la montagne a un autre nom : le Mont Caudvick (ou Kauvvik). Il a été évalué que le véritable point culminant de la montagne se trouve au côté labradorien de la frontière. Tu te demandes : « Ça veut dire que le sommet le plus élevé du Québec, n’est pas au Québec? ». Oui, et non. C’est chose courante dans le monde que des montagnes se trouvent à cheval sur deux états, qu’elles aient deux noms, et qu’on les partage sans problème entre deux nations. Les montagnes, c’est à tout le monde finalement!

Le sommet à gauche de l’image

Une histoire de controverse

Les montagnes, c’est à tout le monde… Oui et non. Les états qui partagent des montagnes s’entendent généralement, mais la situation est un peu différente quand un des deux noms est relativement insultant pour un des deux états. T’auras compris que c’est un peu ce qui se passe ici. Voyons pourquoi avec un peu d’histoire.  

En 1971, la Commission de toponomie du Québec baptise cette grosse montagne bien piquante le Mont d’Iberville. C’est un hommage à un navigateur français, Pierre Le Moyne, Sieur d’Iberville, connu ici comme un vaillant militaire, grand explorateur et commandant de le marine de France. Ailleurs, c’est celui qui a activement pris part au conflit franco-britannique, dans la Baie d’Hudson, en Acadie et au Labrador, en plus d’attaquer avec succès des colonies et des forts dans toutes les provinces autour du Québec et en Nouvelle-Angleterre. Bref, le monsieur n’est pas trop populaire dans les régions anglophones de l’Est du pays, spécialement auprès des Premières Nations. Le nom choisit par le Québec ne fait donc pas l’unanimité.

Deux noms, deux mondes

Après plusieurs essais par différentes équipes, c’est en 1973 qu’à lieu la première ascension complète du infamous Mont d’Iberville par deux Américains, Christopher Goetze et Michael Adler. Quelques années plus tard, une autre expédition arrive au sommet, et constate que ce dernier est divisible en deux paliers et que le plus haut des deux se trouve du côté de TNL. Le second sommet (on l’appelle une épaule), quelques mètres plus bas, se trouve du côté ouest d’un petit cours d’eau glaciaire, délimitant la frontière des deux provinces. Le sommet de la montagne est officiellement placé au Labrador la même année. Peu de temps après, le Newfoundland Geographic Names Board, le nomme Caubvick. C’est un hommage aux Inuits amenés en Angleterre (1772) comme une curiosité, une étrangeté, du Nouveau Monde aux yeux des Londoniens de l’époque. Une seule montagne a officiellement deux noms, représentant deux mondes complètement différents.

Un lagopède alpin qui chill dans les Monts Torngat

Aride et riche

Le Mont d’Iberville/Caubvik se trouve dans une des plus spectaculaires chaînes de montagnes de l’Amérique du Nord. Bien sûr, elle ne rivalise pas en hauteurs avec les montagnes de l’ouest, mais en beauté, peut-être. Les Monts Torngat sont réputés pour leurs falaises côtières escarpées hautes de 600 m, ses vallées profondes et ses fjords extraordinaires.

La chaînes est bordée par un large plateau, où l’on peut observer des témoins du passé glaciaire de la région sur son pergélisol.

Le couvert végétal qu’on trouve sur la montagne est limité. Le sommet est un désert rocheux, où le lichen et la mousse s’accrochent aux roches. On trouve dans ses micro habitats quelques araignées et de petits insectes. En descendant, se côtoient le long des pentes abruptes, des fougères, des plantes à fleurs, des herbes et des champignons. Pas d’arbres à proprement parler s’y trouvent, sauf quelques épinettes naines et des saules arctiques. Pendant la montée, la végétation est concentrée en bordure des ruisseaux glaciaires. Par contre, les plateaux au bas de la montagne sont reconnus pour leurs nombreuses plantes à fleurs, petites, à ras du sol, pour se protéger des grands vents. C’est le cas des campanules à feuilles rondes et des saxifrage jaune des montagnes. Dans ce climat alpin, les plantes poussent sur une courte période en été, alors que les températures sont les plus clémentes*.

Cette météo extrême ne décourage pas quelques vaillants animaux qui ont élu domicile sur les flancs de la montagnes. Les ours polaires et noirs, les caribous, les loups, les renards arctiques et roux, font partie des espèces de prédateurs du Mont d’Iberville. En contrepartie, on y trouve aussi des lagopède alpins, des lemming et des campagnols. Comme quoi, chaque écosystème, mêmes les plus arides, font de bonheur de certains!  

Le campanule à feuilles rondes, imagine une plaine recouverte à la grandeur!

En plus de contenir de nombreuses richesses géologiques et écologiques, le Mont d’Iberville/Caubvik a une valeur spirituelle importante. Pour les Inuits, les Monts Torngat sont magiques. C’est la demeure de Torngatsoak, un esprit à l’apparence d’un ours polaire gigantesque qui contrôle la vie. Rien de moins. C’est donc un lieu sacré, non seulement par sa beauté unique, mais aussi pour son importance culturelle.

NOTES

* La météo sur les Monts Torngat a la réputation d’être mauvaise, très mauvaise. Les tempêtes de neige peuvent survenir à tous moments, été comme hiver.  

Par Anne-Frédérique, éducatrice-naturaliste senior

Sources images : M Sadler, Bouketen Cate, Pixabay

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