Le monotrope uniflore ou le pirate fantôme

1/9/2022
Vedette du mois

C’est un p’tit fantôme qui hante les sous-bois humides des forêts matures de conifères. Dans les tapis d’aiguilles, c’est une plante qui agit comme un champignon parasite. C’est une rareté qui est un merveilleux exemple d’évolution. C’est le monotrope uniflore.  

 

Cette plante bien de chez nous ne ressemble en rien aux autres herbacées forestières. Du haut de ses 20 cm de moyenne, le monotrope est blanc translucide, ce qui lui donne des airs de fantôme (la ghost plant), avec des flocons noirâtres sur les feuilles (elles-mêmes ne ressemblent pas à des feuilles, mais plutôt à des écailles). Certains individus prennent une teinte rosée lorsqu’ils sont encore jeunes. Un fantôme rose…! Chaque tige porte une unique fleur (uniflore… t’as catch), elle aussi blanche translucide. Elle a une forme de clochette, pendant vers le sol. Cette courbature ajoute un je-ne-sais-quoi à son look glauque. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, plus la fleur devient mature, plus elle se redresse sur la tige. Elle laisse ensuite place à un fruit bizarroïde rond. Cette capsule étrange sèche, se fend et libère les graines.  

 

Pourquoi blanche?

Le monotrope uniflore ne contient pas de chlorophylle. La chlorophylle, c’est ce qui donne la couleur verte aux plantes et c’est un des rouages dans la mécanique de la photosynthèse. Donc, sans chlorophylle, notre monotrope n’obtient pas d’énergie par la lumière du soleil. Nope. À la place, il a trouvé un moyen bien efficace : parasiter. Il est le third wheel le plus prolifique de l’histoire des parasites. Le monotrope s’ingère dans une relation déjà existante entre un champignon mycorhizien et son hôte, un conifère. Dans cette relation de mutualisme, les sucres sont produits par l’arbre et transmis au champignon, qui lui, donne des sels minéraux en retour. Classique mutualisme. C’est alors que notre parasite se faufile entre les deux pour voler les sucres produits par l’arbre. Avoue que c’est de la piraterie de haut niveau!  

 

Rareté du fantôme

Cette ingénierie criminelle est étonnante (et évite de dépenser plein d’énergie pour acquérir du carbone, comme les autres plantes). C’est pour cette même raison qu’on la rencontre rarement puisqu’elle fait face à plusieurs contraintes. Il faut non seulement trouver une relation parfaite de mutualisme à squatter, mais il faut aussi un habitat, des conditions météo et des pollinisateurs spécialisés. Les bourdons sont un des seuls insectes à assurer la pollinisation de nos fantômes : leurs intenses vibrations secouent le pollen de la fleur et permettent la pollinisation.  

Parce qu’il n’a littéralement pas besoin de soleil pour pousser, on trouve le monotrope dans les endroits sombres, dénudés des autres plantes photosynthétiques. C’est un solitaire, mais pour de bonnes raisons. Personne ne veut avoir un p’tit voleur dans son entourage!

 

Cette plante aux allures lugubres pousse des Maritimes jusqu’aux Rocheuses, jusqu’au sud des États-Unis. Bien que cette aire de répartition puisse faire des jaloux, ce n’est pas une plante qu’on rencontre souvent. Alors, si tu fais une randonnée en été, ouvre les yeux entre deux racines de conifère, tu pourrais voir la fleur fantôme!

Par Anne Frédérique, éducatrice-naturaliste senior

Sources images : Will Brown, Fritz Flohr Reynolds

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