Le grand peuplier et sa neige de juin

13/6/2023
Vedette du mois

Dans la région de Montréal, nous avons le privilège de côtoyer l’un des plus grands arbres de l’est du continent : le peuplier deltoïde. Nous avons de la chance, car c’est l’un des rares endroits au Canada où il est présent. Il est normalement plus commun chez nos voisins du sud, avec une aire de distribution qui s’étend des Grands Lacs jusqu’au golfe du Mexique et des Rocheuses jusqu’à la côte Atlantique.

Le peuplier deltoïde, ce géant

Cet arbre très imposant peut atteindre les 30 m de hauteur, avec un tronc qui dépasse 1 m de diamètre! Le plus impressionnant, ce n’est cependant pas sa taille, mais bien la vitesse à laquelle il pousse. Le peuplier deltoïde ne vit effectivement pas très longtemps, une cinquantaine d’années à peine, quand sa taille imposante pourrait laisser penser qu’il est plusieurs fois centenaire. À titre de comparaison, un érable à sucre mettra près de 300 ans pour l’égaler en hauteur et en diamètre. Pour atteindre de telles dimensions en si peu de temps, cet arbre à la croissance extraordinaire, peut donc pousser de 2 m par an dans des conditions optimales, l’un des taux de croissance les plus rapides pour un arbre en Amérique du Nord!

Un rôle écologique important

Le peuplier deltoïde peut être retrouvé le long des cours d’eau, proche des lacs et sur des terrains humides, bien drainés, ou encore sur des plaines inondables. Sa croissance extraordinaire en fait d’ailleurs un allié de choix pour lutter contre l’érosion des berges, ses grandes racines aidant à la rétention des sédiments.  

C’est également un arbre qui ne supporte pas l’ombre et que l’on retrouve donc souvent en début de succession végétale. Avec le bouleau, ce sera en effet l’un des premiers arbres à repeupler un milieu en friche suite à une perturbation. Sa croissance exceptionnelle permettra de fournir un couvert aux autres essences d’arbres moins tolérantes au soleil, qui pourront ainsi pousser à l’ombre de ses feuilles. Étant donné que la vie du peuplier deltoïde est courte, ces nouvelles essences comme l’érable, le hêtre, ou encore le sapin baumier, souvent centenaires, finiront par le supplanter et deviendront à leur tour les arbres dominants. Quand un milieu finit par atteindre une certaine stabilité, on appelle cela le climax. Cet état de climax perdure jusqu’à ce que le milieu subisse une nouvelle perturbation et qu’il faille à nouveau solliciter les services de notre peuplier deltoïde et des autres espèces pionnières pour amorcer son repeuplement.

« Gandalf?! »

Être grand n’a pas que des avantages. Un peu comme un magicien dans une maison de Hobbit, la grande taille du peuplier deltoïde lui vaut parfois de se sentir un peu à l’étroit dans nos villes. Trottoirs, routes, canalisations, édifices, rien ne résiste à la force de ses puissantes racines si l’on ne lui laisse pas assez de place. Et nous allons voir que les dimensions hors-normes de cet arbre gigantesque ne sont pas les seules caractéristiques qui lui valent la mauvaise réputation qu’il a développé auprès de certains citadins.

Les fleurs du peuplier deltoïde sont pollinisées par le vent. Ce constat simple et poétique peut se traduire par une réalité autrement plus chaotique : la neige de peuplier! Si tu en as déjà fait l’expérience (on ne peut souvent pas y échapper), elle rentre partout, tapisse le sol et s’envole au moindre coup de vent. Cette « neige », qualifiée également de « pollen » ou encore de « coton » n’est rien de tout ça. C’est la bourre du peuplier. Il s’agit en fait d’un duvet composé de longs poils soyeux auquel sont rattachées les graines de la plante. En langage scientifique, on appelle cela un akène plumeux.

Il faut savoir qu'il existe dans la nature des arbres dits monoïques, c’est-à-dire qui possèdent à la fois des fleurs mâles et des fleurs femelles. Mais, il existe aussi des arbres dits dioïques, comme le peuplier deltoïde, qui ne possèdent que des fleurs d’un seul sexe. Dans ce cas-là, le pollen des fleurs de l’arbre mâle, sorte de poussière jaune portée par le vent, féconde les fleurs de l’arbre femelle. Ces dernières, ainsi fécondées, se transforment en fruit : l’akène plumeux.  

Les fleurs femelles produisent des capsules (A,B). Une fois séchées, elles s’ouvrent (C) pour laisser les akènes (D) être dispersés par le vent.

Ainsi, à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin, ce n’est pas de la neige ou du pollen qui tombe de nos peupliers, mais bien des fruits! C’est donc la différence de sexe entre les arbres qui explique pourquoi ce ne sont pas tous les peupliers deltoïdes qui produisent ces étranges nuages de ouate.

Tapis de neige? Plutôt, un tapis de bourre...

Par Gabriel, éducateur-naturaliste

Sources images : GUEPE à partir de Arboquebecium, Lynn Greyling, Andrey Zharkikh, GUEPE, EnLoraxG. Edward Johnson

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