Les bio-indicateurs

4/1/2023
Vedette du mois

Dans le fjord du Saguenay, on s’intéresse à la mye commune (un mollusque bivalve cousin de la moule). Elle a tendance à répondre négativement à la présence de polluants dans l’eau. En analysant ses populations à différents endroits dans la rivière, on peut établir un diagnostic de l’écosystème (de son intégrité biologique, chimique et physique). Est-il en santé ou est-ce que ça va mal? La mye, c’est un bio-indicateur : un outil utilisé en écologie pour mesurer l’état d’un milieu.  

Une mye commune

Un compas de la bio-santé

Les espèces bio-indicatrices (des plantes, des animaux, des champignons et des bactéries) sont sensibles à des perturbations. Les modifications du milieu ont donc un impact sur leur comportement et/ou sur la croissance de leurs populations. En les étudiant (et en étudiant leur niche écologique), on obtient des informations sur les fonctions et les caractéristiques de l’écosystème. Par exemple, une espèce de plante présente dans un milieu pourrait indiquer une forte concentration de métaux lourds dans le sol (comme c’est le cas pour la renouée du Japon, qui pousse généralement dans des sols pauvres et pollués).  

Par leur présence ou par leur absence, les bio-indicateurs permettent de faire le portrait de l’évolution d’un milieu, qu’il soit en santé ou pas. Lorsqu’on compare les populations bio-indicatrices dans des milieux perturbés et non perturbés par l’humain, on fait un diagnostic permettant une meilleure gestion des écosystèmes perturbés comme on l’a fait avec la mye dans le Saguenay. Les bio-indicateurs permettent ensuite de calculer si les objectifs sont atteints par les actions de conservation. On peut aussi utiliser des bio-indicateurs pour surveiller des milieux et être en mesure de constater s'il y a une augmentation des perturbations.  

 

Des sentinelles  

Lorsqu’on étudie un bio-indicateur, on s’intéresse à la dynamique de sa population. Est-elle en croissance? En décroissance? Stable? Inexistante? On peut alors poser des hypothèses sur la santé de l’écosystème. Disons que dans la zone A du Saguenay, on remarque une baisse de la population de la mye commune, dans la zone B, la population est stable et dans la zone C, la mye est absente. Sachant que la mye meurt en présence de contaminants, on peut commencer à penser que les zones A et C de la rivière nécessitent un grand ménage!  

Pour en apprendre davantage sur les effets des contaminants, on utilise les espèces sentinelles. On note chez ces dernières des changements physiques, moléculaires ou comportementaux au niveau des individus dus à la présence de polluants. (En comparaison, le bio-indicateur donne des informations sur les caractéristiques d’un milieu seulement par sa présence ou son absence.) Une sentinelle n’est pas nécessairement un bio-indicateur, mais l’un n’empêche pas l’autre. Le lichen a la double vocation : il est abondant dans les milieux donc l’air est plus propre et on peut analyser leur physionomie pour comprendre les impacts de certains polluants atmosphériques.  

Les poissons, comme cet achigan à grande bouche, accumulent (par bioaccumulation) des toxines dans leurs tissus.

Qui sont les indicateurs?

Ce n’est pas n’importe qui (ou quoi) qui a toutes les qualifications pour être un bon bio-indicateur. D’abord, il faut toujours se rappeler que l’interprétation des changements d’une population doit être faite de manière réelle. Il ne faut pas tirer des conclusions trop rapides : ce n’est pas parce qu’on voit du lichen quelque part que l’air y est parfaitement pur. Les analyses menées doivent être faites sur différents sites et prendre en compte des tonnes de variables selon les écosystèmes et les bio-indicateurs choisis. La bio-surveillence, bien qu’elle soit aujourd’hui assez répandue, reste une méthode de mesure indirecte.  

Prenons, par exemple, les macroinvertébrés filtreurs qui vivent dans le fond de l’eau.

  • Ils sont généralement présents en grande quantité (donc, en prélever en nature n’a pas véritablement de conséquences sur le milieu).  
  • Leur cycle de vie est assez court, donc il est facile de voir des variations des populations dans le temps (plus que chez des gros mammifères qui vivent très longtemps, comme les éléphants, pour qui il faudrait des années pour étudier les variations entre les générations).  
  • Ils sont sédentaires, donc ils sont un échantillon représentatif au niveau local.  
  • Ils peuvent avoir un impact important sur la santé de l’écosystème, car ils représentent un maillon important de la chaîne alimentaire.  

Ils sont donc d’excellents candidats pour être des bio-indicateurs. Divers polluants aquatiques sont attachés aux particules organiques dont ils se nourrissent. Ces toxines s’accumulent dans leurs tissus par bioaccumulation, limitent leur croissance et appauvrissent leur système immunitaire. En étudiant leurs populations, il est possible de constater rapidement des changements dans l’écosystème et ainsi prévenir des perturbations plus grandes.  

On pourrait faire le même exercice avec le plancton, les algues, des bactéries, etc.  

Les larves d'éphémères, qui vivent au fond des cours d'eau sont grandement utilisées comme bio-indicateur.

De manière plus générale, on utilise les populations d’amphibiens, dont la peau perméable peut absorber les toxines dans l’eau, comme des bio-indicateurs (et des sentinelles) de choix dans les milieux aquatiques. On dit aussi que les vers de terre sont de bons indicateurs d’un sol riche en matière organique. Au Québec, en plus de la mye dans le Saguenay, on surveille entre autres le grand héron pour s’assurer de la bonne qualité des eaux du Saint-Laurent.  

Il n’y a pas de bio-indicateur universel : aucun standard n’existe pour le choix des espèces et la justesse des résultats en biosurveillance est encore sujette à débat. Toutefois, si les analyses sont rigoureuses, laisser la nature nous parler, c’est un moyen fascinant de démontrer et comprendre notre impact sur les écosystèmes.

Par Anne-Frédérique, éducatrice-naturaliste senior

Sources images : Yuriy Kvach, Raw pixel, Dave Huth

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